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听法语故事: 你好 忧愁  第十七章

时间:2011-06-05 18:21:52 来源:可可法语 编辑:lydie310  测测英语水平如何

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DEUXIèME PARTIE

CHAPITRE XI
Nous ne nous retrouvames qu'au d.ner, tous deux anxieux de ce tête-à-tête si brusquement reconquis.
Je n'avais absolument pas faim, lui non plus. Nous savions tous les deux qu'il était indispensable qu'Anne nous rev.nt. Pour ma part, je ne pourrais pas supporter longtemps le souvenir du visage bouleversé qu'elle m'avait montré avant de partir, ni l'idée de son chagrin et de mes responsabilités. J'avais oublié mes patientes manoeuvres et mes plans si bien montés. Je me sentais complètement désaxée, sans rênes ni mors, et je voyais le même sentiment sur le visage de mon père.

.Crois-tu, dit-il, qu'elle nous ait abandonnés pour longtemps?

— Elle est s.rement partie pour Paris, dis-je.
— Paris..., murmura mon père rêveusement.
—'-Nous ne la verrons peut-être plus.... Il me regarda, désemparé et prit ma main à travers la table:
.Tu dois m'en vouloir terriblement. Je ne sais pas ce qui m'a pris... En rentrant dans le bois avec Eisa, elle... Enfin je l'ai embrassée et Anne a d. arriver à ce moment-là et....

Je ne l'écornais pas. Les deux personnages d'Eisa et de mon père enlacés dans l'ombre des pins m'ap-paraissaient vaudevillesques et sans consistance, je ne les voyais pas. La seule chose vivante et cruellement vivante de cette journée, c'était le visage d'Anne, ce dernier visage, marqué de douleur, ce visage trahi. Je pris une cigarette dans le paquet de mon père, l'allumai. Encore une chose qu'Anne ne tolérait pas: que l'on fumat au milieu du repas. Je souris à mon père:
.Je comprends très bien: ce n'est pas ta faute... Un moment de folie, comme on dit. Mais il faut qu'Anne nous pardonne, enfin .te. pardonne.

— Que faire?. dit-il.
Il avait très mauvaise mine, il me fit pitié, je me fis pitié, à mon tour; pourquoi Anne nous abandon-, nait-elle ainsi, nous faisait-elle souffrir pour une incartade, en somme? N'avait-elle pas des devoirs en-vers nous:
.Nous allons lui écrire, dis-je, et lui demander pardon.

— C'est une idée de génie., cria mon père. Il trouvait enfin un moyen de sortir de cette inaction pleine de remords où nous tournions depuis trois heures.
Sans finir de manger, nous repoussames la nappe et les couverts, mon père alla chercher une grosse lampe, des stylos, un encrier et son papier à lettres et nous nous installames l'un en face de l'autre, presque souriants, tant le retour d'Anne, par la grace de cette mise en scène, nous semblait probable. Une chauvesouris vint décrire des courbes soyeuses devant la fenêtre. Mon père pencha la tête, commen.a d'écrire.

Je ne puis me rappeler sans un sentiment insupportable de dérision et de cruauté les lettres débordantes de bons sentiments que nous écriv.mes à Anne ce soir-là. Tous les deux sous la lampe, comme deux écoliers appliqués et maladroits, travaillant dans le silence à ce devoir impossible: .retrouver Anne.. Nous f.mes cependant deux chefs-d'oeuvre du genre, pleins de bonnes excuses, de tendresse et de repentir. En finissanvj'étais à peu près persuadée qu'Anne n'y pourrait pas résister, que la réconciliation était imminente.
Je voyais déjà la scène du pardon, pleine de pudeur et d'humour... Elle aurait lieu à Paris, dans notre salon, Anne entrerait et...

Le téléphone sonna. Il était dix heures. Nous échangeames un regard étonné, puis plein d'espoir: c'était Anne, elle téléphonait qu'elle nous pardonnait, qu'elle revenait. Mon père bondit vers l'appareil, cria .All.. d'une voix joyeuse.

Puis il ne dit plus que .oui, oui! où .a? oui., d'une voix imperceptible. Je me levai à mon tour: la peur s'ébranlait en moi. Je regardais mon père et cette main qu'il passait sur son visage, d'un geste machinal. Enfin il raccrocha doucement et se tourna vers moi.

.Elle a eu un accident, dit-il. Sur la route de l'Es-terel. Il leur a fallu du temps pour retrouver son adresse! Ils ont téléphoné à Paris et là on leur a donné notre numéro d'ici..

Il parlait machinalement, sur le même ton et je n'osais pas l'interrompre:

.L'accident a eu lieu à l'endroit le plus dangereux. Il y en a eu beaucoup à cet endroit, para.t-il. La voiture est tombée de cinquante mètres. Il e.t été miraculeux qu'elle s'en tire,.

Du reste de cette nuit, jeme souviens comme d'un cauchemar. La route surgissant sous les phares, le visage immobile de mon père, la porte de la clinique... Mon père ne voulut pas que je la revoie. J'étais assise dans la salle d'attente, sur une banquette, je regardais une lithographie représentant Venise. Je ne pensais à rien. Une infirmière me raconta que c'était le sixième accident à cet endroit depuis le début de l'été. Mon père ne revenait pas.

Alors je pensai que, par sa mort, — une fois de plus — Anne se distinguait de nous. Si nous nous étions suicidés — en admettant que nous en ayons le courage — mon père et moi, c'e.t été d'une balle dans la tête en laissant une notice explicative destinée à troubler à jamais le sang et le sommeil des responsables.
Mais Anne nous avait fait ce cadeau somptueux de nous laisser une énorme chance de croire à un accident: un endroit dangereux, l'instabilité de sa voiture. Ce cadeau que nous serions vite assez faibles pour accepter. Et d'ailleurs, si je parle de suicide aujourd'hui, c'est bien romanesque de ma part. Peut-on se suicider pour des êtres comme mon père et moi, des êtres qui n'ont besoin de personne, ni vivant ni mort?
Avec mon père d'ailleurs, nous n'avons jamais parlé que d'un accident.

Le lendemain nous rentrames à la maison vers trois heures de l'après-midi. Eisa et Cyril nous y attendaient, assis sur les marches de l'escalier. Ils se dressèrent devant nous comme deux personnages falots et oubliés: ni l'un ni l'autre n'avaient connu Anne ni ne l'avaient aimée. Ils étaient là, avec leurs petites histoires de coeur, le double appat de leur beauté, leur gêne. Cyril fit un pas vers moi et posa sa main sur mon bras.
Je le regardai: je ne l'avais jamais aimé. Je l'avais trouvé bon et attirant; j'avais aimé le plaisir qu'il me donnait; mais je n'avais pas besoin de lui.

J'allais partir, quitter cette maison, ce gar.on et cet été. Mon père était avec moi, il me prit le bras à son tour et nous rentrames dans la maison.

Dans la maison, il y avait la veste d'Anne, ses fleurs, sa chambre, son parfum. Mon père ferma les volets, prit une bouteille dans le Frigidaire et deux verres. C'était le seul remède à notre portée. Nos lettres d'excuses tra.naient encore sur la table. Je les poussai de la main, elles voltigèrent sur le parquet. Mon père qui revenait vers moi, avec le verre rempli, hésita, puis évita de marcher dessus. Je trouvais tout .a symbolique et de mauvais go.t. Je pris mon verre dans mes mains et l'avalai d'un trait. La pièce était dans une demi-obscurité, je voyais l'ombre de mon père devant la fenêtre. La mer battait sur la plage.

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